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LOI ORGANIQUE N°4/AN/93/3eme L fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Conseil Constitutionnel.

 

L'Assemblée Nationale a adopté ;

Le Président de la République promulgue, la loi dont la teneur suit :

Vu la Constitution et notamment son article 82 ;

Vu l'avis du Comité Constitutionnel ;

 

TITRE I : ORGANISATION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Article premier : Les membres du Conseil Constitutionnel autres que les membres de droit sont nommés par décisions du Président de la République, du président de l'Assemblée Nationale et du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Les décisions du Conseil Supérieur de la Magistrature portant nomination des membres du Conseil Constitutionnel sont prises sur proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature arrêté à la majorité des membres en exercice.

Le Président du Conseil Constitutionnel est nommé par décision du Président de la République, il est choisi parmi les membres du Conseil, nommés ou de droit.

Les décisions portant nomination des membres et du président du Conseil Constitutionnel sont publiées au Journal Officiel.

Art. 2. - Le premier Conseil Constitutionnel comprend trois membres désignés pour quatre ans et trois membres désignés pour huit ans. Le président de la République, le président de l'Assemblée Nationale et le Conseil Supérieur de la Magistrature désignent chacun un membre pour chaque série.

Art. 3. - Avant d'entrer en fonctions, les membres du Conseil Constitutionnel prêtent serment devant le Président de la République. Ils jurent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil. Acte de la prestation de serment est dressé.

Art. 4. - Les fonctions de membre du Conseil Constitutionnel sont incompatibles avec celles de membre du gouvernement et de l'Assemblée Nationale.

Les membres du gouvernement et de l'Assemblée Nationale nommés au Conseil Constitutionnel sont réputés avoir opté pour ces dernières fonctions s'ils n'ont exprimé une volonté contraire dans les huit jours suivant la publication de leur nomination.

Les membres du Conseil Constitutionnel nommés à des fonctions gouvernementales ou élus à l'Assemblée Nationale sont remplacés dans leurs fonctions.

Art. 5. - Pendant la durée de leurs fonctions, les membres du Conseil Constitutionnel ne peuvent être nommés à aucun emploi public ni, s'ils sont fonctionnaires, recevoir une promotion au choix.

Art. 6. - Le président et les membres du Conseil Constitutionnel reçoivent respectivement une indemnité égale aux traitements afférents aux deux catégories supérieures des emplois de l'État classés hors échelle.

Les indemnités sont réduites de moitié pour les membres du Conseil qui continuent d'exercer une activité compatible avec leur fonction.

Art. 7 - Un décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Conseil Constitutionnel, définit les obligations imposées aux membres du Conseil afin de garantir l'indépendance et la dignité de leurs fonctions.

Les obligations doivent notamment comprendre l'interdiction pour les membres du Conseil Constitutionnel, pendant la durée de leurs fonctions, de prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l'objet de décision de la part du Conseil, ou de consulter sur les mêmes questions.

Art. 8. - Il est pourvu au remplacement des membres du Conseil huit jours au moins avant l'expiration de leurs fonctions.

Art. 9. - Un membre du Conseil Constitutionnel peut démissionner par une lettre adressée au Conseil. La nomination du remplaçant intervient au plus tard dans le mois de la démission. Celle-ci prend effet de la nomination du remplaçant.

Art. 10. - Le Conseil Constitutionnel constate, le cas échéant, la démission d'office de celui de ses membres qui aurait exercé une activité ou accepté une fonction ou un mandat électif incompatible avec sa qualité de membre du Conseil ou qui n'aurait pas la jouissance des droits civils et politiques.

Il est alors pourvu au remplacement dans la huitaine.

Art.11. - Les règles posées à l'article 10 ci-dessus sont applicables aux membres du Conseil Constitutionnel qu'une incapacité physique permanente empêche définitivement d'exercer leurs fonctions.

Art. 12. - Les membres du Conseil Constitutionnel désignés en remplacement de ceux dont les fonctions ont pris fin avant leur terme normal achèvent le mandat de ceux qu'ils remplacent. A l'expiration de ce mandat, ils peuvent être nommés comme membre du Conseil Constitutionnel s'ils ont occupé ces fonctions de remplacement pendant moins de quatre ans.

TITRE II : FONCTIONNEMENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

CHAPITRE I : DISPOSITIONS COMMUNES

Art. 13. - Le Conseil constitutionnel se réunit sur la convocation de son président ou en cas d'empêchement de celui-ci sur la convocation du plus âgé de ses membres.

Art. 14. - Les décisions et les avis du Conseil Constitutionnel sont rendus par cinq conseillers au moins, sauf cas de force majeure dûment constatée au procès-verbal.

Art. 15. - Un décret pris en Conseil des Ministres après avis du Conseil Constitutionnel, détermine l'organisation du secrétariat.

Art. 16. - Les crédits nécessaires au fonctionnement du Conseil Constitutionnel sont inscrits au budget général de l'État.

CHAPITRE II : DES DECLARATIONS DE CONFORMITE A LA CONSTITUTION

Art. 17. - Les lois organiques adoptées par l'Assemblée Nationale sont transmises d'office au Conseil Constitutionnel par le Président de la République. La lettre de transmission indique, le cas échéant, qu'il y a urgence.

Les règlements et les modifications aux règlements adoptés par l'Assemblée Nationale sont transmis d'office au Conseil Constitutionnel par le président de l'Assemblée.

Art. 18. - Lorsqu'une loi est déférée au Conseil Constitutionnel à l'initiative des députés, le Conseil est saisi par une ou plusieurs lettres comportant au total les signatures d'au moins dix députés.

Le Conseil Constitutionnel, saisi conformément aux articles 58,63,79 de la Constitution, avise immédiatement le Président de la République et le président de l'Assemblée Nationale, ce dernier en informe les membres de l'Assemblée.

Lorsqu'un plaideur soulève devant une juridiction l'exception d'inconstitutionnalité d'une disposition législative ou réglementaire relative aux droits fondamentaux reconnus à toute personne par la Constitution, la juridiction saisie surseoit à statuer et transmet immédiatement l'affaire à la Cour suprême qui dispose d'un délai d'un mois pour se prononcer sur la recevabilité de l'exception soulevée. Si celle-ci est jugée recevable la Cour Suprême saisit immédiatement le Conseil Constitutionnel en précisant le cas échéant s'il y a urgence.

Art. 19. - L'appréciation de la conformité à la Constitution est faite sur le rapport d'un membre du Conseil dans les délais fixés par le troisième alinéa des articles 79, 80 de la Constitution.

Art. 20. - La déclaration du Conseil Constitutionnel est motivée. Elle est publiée au Journal Officiel.

Art. 21. - La publication d'une déclaration du Conseil Constitutionnel constatant qu'une disposition n'est pas contraire à la Constitution met fin à la suspension du délai de promulgation.

Art. 22. - Dans le cas où le Conseil Constitutionnel déclare que le texte dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution et inséparable de l'ensemble de ce texte, celui-ci ne peut être promulgué, ni mis en application.

Art. 23. - Dans le cas ou le Conseil Constitutionnel déclare que le texte dont il est saisi contient une disposition contraire à la Constitution sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de ce texte le Président de la République peut soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander à l'Assemblée Nationale, une nouvelle lecture.

Dans le cas où le Conseil Constitutionnel déclare que le règlement de l'Assemblée Nationale qui lui a été transmis contient une disposition contraire à la Constitution, cette disposition ne peut pas être mise an application par l'Assemblée.

CHAPITRE III : DE L'EXAMEN DES TEXTES DE FORME LEGISLATIVE

Art. 24. - Dans les cas prévus à l'article 58 alinéa 2 de la Constitution, le Conseil Constitutionnel est saisi par le Président de la République.

Art. 25. - Le Conseil Constitutionnel se prononce dans le délai d'un mois. Ce délai est réduit à huit jours quand le gouvernement déclare l'urgence.

Art. 26. - Le Conseil Constitutionnel constate, par une déclaration motivée, le caractère législatif ou réglementaire des dispositions qui lui ont été soumises.

CHAPITRE IV : DE L'EXAMEN DES FINS DE NON-RECEVOIR

Art. 27. - Au cas prévu par le deuxième alinéa de l'article 60 de la Constitution, la discussion de la proposition de loi ou de l'amendement auquel le Président de la République ou le président de l'Assemblée Nationale a opposé l'irrecevabilité est immédiatement suspendue.

L'autorité qui saisit le Conseil Constitutionnel en avise aussitôt l'autorité qui a également compétence à cet effet selon l'article 60 de la Constitution.

Art. 28. - Le Conseil se prononce dans le délai de huit jours par une déclaration motivée.

Art. 29. - La déclaration est notifiée au président de l'Assemblée Nationale et au Président de la République.

CHAPITRE IV : DE L'EXERCICE DES ATTRIBUTIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL EN MATIERE ELECTORALE

Art. 30. - Les attributions du Conseil Constitutionnel en matière électorale sont déterminées par la loi organique relative aux élections.

Art. 31. - Le Conseil Constitutionnel peut être saisi par le premier ministre ou le président de l'Assemblée Nationale pour constater l'empêchement du Président de la République ou d'un candidat à l'élection présidentielle. Dans ce cas il statue à la majorité absolue des membres le composant dans les trois jours.

Art. 32. - Le président du Conseil Constitutionnel est consulté par le Président de la République sur l'organisation des opérations de référendum. Il est avisé sans délai de toute mesure prise à ce sujet.

Art. 33. - Le Conseil constitutionnel peut présenter des observations concernant la liste des organisations habilitées à user des moyens officiels de propagande lors des élections.

Art. 34. - Le Conseil Constitutionnel peut désigner un ou plusieurs délégués choisis, avec l'accord des ministres compétents, parmi les magistrats et les hauts fonctionnaires pour suivre sur place les opérations électorales.

Art. 35. - Le Conseil Constitutionnel assure la surveillance du recensement général des résultats des élections.

Art. 36. Le Conseil examine et tranche définitivement toutes les réclamations relatives aux élections.

Dans le cas où le Conseil Constitutionnel constate l'existence d'irrégularité dans le déroulement des opérations, il lui appartient d'apprécier si, eu égard à la nature et à la gravité de ces irrégularités, il y a lieu soit de maintenir lesdites opérations, soit de prononcer leur annulation totale ou partielle.

Art. 37. - Le Conseil Constitutionnel proclame les résultats des élections. En cas de référendum mention de la proclamation est faite dans le décret portant promulgation de la loi adoptée par le peuple.

CHAPITRE V : DU CONTENTIEUX

Art. 38. - Le Conseil Constitutionnel ne peut être saisi que par une requête écrite adressée à son secrétariat.

Art. 39. - Les requêtes doivent contenir le nom, le prénom et qualité du requérant, les moyens d'annulation invoqués.

Le requérant doit annexer à la requête les pièces produites au soutien de ses moyens. Le Conseil peut lui accorder exceptionnellement un délai pour la production d'une partie de ces pièces.

La requête n'a pas d'effet suspensif. Elle est dispensée de tous frais de timbre ou d'enregistrement.

Art. 40. - Le Conseil Constitutionnel est organisé en deux sections composées chacune de trois membres désignés par le sort. Il est procédé à des tirages au sort séparés entre les membres nommés par le Président de la République, entre les membres nommés par le Président de l'Assemblée Nationale et entre les membres nommés par le Conseil Supérieur de la Magistrature.

Lors du renouvellement de la moitié de ses membres, le Conseil Constitutionnel arrête une liste de trois rapporteurs adjoints parmi les magistrats de la Cour d'Appel de Djibouti et de la Cour suprême. Les rapporteurs adjoints n'ont pas voix délibérative.

Art. 41. - Dès réception d'une requête, le président confie l'examen à l'une des sections et désigne un rapporteur qui peut être choisi parmi les rapporteurs adjoints.

Art. 42. - Les sections instruisent les affaires dont elles sont chargées et qui sont portées devant le Conseil en Assemblée.

Toutefois, le Conseil, sans instruction contradictoire préalable, peut rejeter, par décision motivée, les requêtes irrecevables. La décision est aussitôt notifiée aux intéressées.

Art. 43. - Dans les autres cas, la section fixe un délai aux intéressés pour prendre connaissance de la requête et des pièces au secrétariat du Conseil et produire leurs observations écrites.

Art. 44. - Dès réception de cas observations ou à l'expiration du délai imparti pour les produire, l'affaire est rapportée devant le Conseil qui statue par une décision motivée. La décision est aussitôt notifiée aux intéressées.

Art. 45. - Lorsqu'il fait droit à une requête en annulation d'une élection, le Conseil peut, selon le cas, annuler l'élection contestée ou réformer la proclamation faite après l'élection.

Art. 46. - Le Conseil peut, le cas échéant, ordonner une enquête et se faire communiquer tous documents et rapports ayant trait aux affaires qui lui sont soumises.

Le rapporteur est commis pour recevoir sous serment les déclarations des témoins. Procès-verbal est dressé par le rapporteur et communiqué aux intéressés, qui ont un délai de trois jours pour déposer leurs observations écrites.

Art. 47. - Le Conseil peut commettre l'un de ses membres ou un rapporteur adjoint pour procéder sur place à d'autres mesures d'instruction.

Art. 48. - Pour le jugement des affaires qui lui sont soumises, le Conseil constitutionnel a compétence pour connaître de toute question et exception posée à l'occasion de la requête. En cas de contestation d'une élection, sa décision n'a effet juridique qu'en ce qui concerne l'élection dont il est saisi. En cas d'exception d'inconstitutionnalité sa décision s'impose à tous les justiciables.

CHAPITRE VI : DE LA CONSULTATION DU PRESIDENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DANS LES CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES

 Art. 50. - Le président du Conseil Constitutionnel est consulté par le Président de la République dans les cas prévus au premier alinéa de l'article 40 de la Constitution.

Art. 51. - Il émet un avis sur la réunion des conditions exigées par le texte visé à l'article précédent. Cet avis est motivé et publié.

Art. 52. - Le Président de la République avise le Conseil Constitutionnel des mesures qu'il se propose de prendre.

Le Conseil Constitutionnel lui donne sans délai son avis.

TITRE III : DISPOSITIONS DIVERSES ET DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Art. 53. - Les modalités d'application de la présente loi pourront être déterminées par décret pris en Conseil des Ministres, après consultation du Conseil Constitutionnel.

Art. 54. - Le Conseil Constitutionnel complétera par son règlement intérieur les règles de procédure édictées par le titre II de la présente loi.

Art. 55. - La présente loi est rendue exécutoire selon la procédure d'urgence dès sa promulgation.

 

Fait à Djibouti, le 7 avril 1993,

par le Président de la République,

HASSAN GOULED APTIDON.